Est-il légalement possible de dématérialiser des documents RH ?
dans Gestion électronique des documentsCet article est basé sur le mémorandum élaboré par le Cabinet Racine Avocats sur la demande de notre partenaire, expert en dématérialisation Zeendoc. Il vous éclairera sur les points de vigilance à avoir lors de le mise en place d’un système de signature et d’archivage électroniques de vos documents RH, comme les contrats de travail (CDI, CDD, convention de stage, contrats spéciaux…).
> Quelle est la valeur juridique d’un document électronique ?
Dès les années 2000, la France détermine une première règlementation en matière de dématérialisation, reconnaissant la valeur légale de l’écrit sous forme électronique.
Article 1366
L'écrit électronique a la même force probante que l'écrit sur support papier, sous réserve que puisse être dûment identifiée la personne dont il émane et qu'il soit établi et conservé dans des conditions de nature à en garantir l'intégrité.
Mais la véritable avancée juridique apparaît en 2004, lors de l’adoption d’une disposition spécifique rappelant que même dans le cas où un contrat est supposé être écrit, il peut être établit sous forme électronique. Dès lors, lorsqu’un écrit est exigé, comme c’est le cas pour le CDD (contrat de travail à durée déterminé), le contrat peut être établit tant sous forme papier que sous forme électronique. Dans ce dernier cas, il doit respecter un certain nombre de conditions, notamment fixées par l’article 1174 nouveau du Code civil.
Article 1174
Lorsqu'un écrit est exigé pour la validité d'un contrat, il peut être établi et conservé sous forme électronique dans les conditions prévues aux articles 1366 et 1367 et, lorsqu'un acte authentique est requis, au deuxième alinéa de l'article 1369. Lorsqu'est exigée une mention écrite de la main même de celui qui s'oblige, ce dernier peut l'apposer sous forme électronique si les conditions de cette apposition sont de nature à garantir qu'elle ne peut être effectuée que par lui-même.
En résumé il existe deux types de contrats :
– Les contrats pour lesquels un écrit n’est pas exigé pour leur validité, il peut alors être signé électroniquement sans aucune contrainte ;
– Les contrats pour lesquels un écrit est exigé pour leur validité, auquel cas il est nécessaire de respecter les dispositions des articles 1366 (identification des parties, garantie de l’intégrité du document) et 1367 (procédé fiable d’identification des parties) du code civil.
Article 1367
La signature nécessaire à la perfection d'un acte juridique identifie son auteur. Elle manifeste son consentement aux obligations qui découlent de cet acte. Quand elle est apposée par un officier public, elle confère l'authenticité à l'acte. Lorsqu'elle est électronique, elle consiste en l'usage d'un procédé fiable d'identification garantissant son lien avec l'acte auquel elle s'attache. La fiabilité de ce procédé est présumée, jusqu'à preuve contraire, lorsque la signature électronique est créée, l'identité du signataire assurée et l'intégrité de l'acte garantie, dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat.
Plus récemment le Règlement eIdas a confirmé que l’écrit électronique s’impose au juge.
Mais qu’est ce que le Règlement « eIDAS » ? Ce Règlement instaure un cadre européen en matière d’identification électronique et de services de confiance, afin de faciliter l’émergence du marché unique numérique. Il couvre notamment le sujet de la signature électronique. L’ANSSI est l’un des organismes nationaux chargés de la mise en œuvre de ce règlement. Pour en savoir plus, rendez-vous sur le site institutionnel de l’ANSSI.
Article 46 - Effets juridiques des documents électroniques
L’effet juridique et la recevabilité d’un document électronique comme preuve en justice ne peuvent être refusés au seul motif que ce document se présente sous une forme électronique.
> Ainsi, a-t-on le droit de dématérialiser des contrats de travail ?
Le droit à la dématérialisation des contrats vise tous les contrats, comprenant ainsi les contrats de travail (CDI, CDD, convention de stage, contrat d’intérim…). La question qui se pose n’est pas de savoir si la dématérialisation est possible mais dans quelle catégorie les contrats de travail doivent être rangés :
– Cas 1 : contrat pour lequel un écrit n’est pas exigé pour sa validité
– Cas 2 : contrat pour lequel un écrit est exigé pour sa validité
Le droit du travail précise que certains contrats relèvent du cas 1 alors que d’autres relèvent du cas 2. Les CDI relèvent des dispositions du droit commun des contrats, c’est-à-dire que sa formation est soumise à un accord libre et éclairé des parties. En vertu de l’article L1221-1 du Code du travail, le contrat écrit est facultatif dès lors qu’il n’est pas expressément exigé par la loi. C’est le cas du CDI qui peut prendre la forme que les parties contractant décident seules d’adopter. Ainsi, un contrat à durée indéterminée peut donc être établi par voie électronique sans contraintes particulières.
Pour le cas du CDD la réponse est toute autre puisque l’article L1242-12 retient expressément la notion d’écrit.
Article L1242-12
Le contrat de travail à durée déterminée est établi par écrit et comporte la définition précise de son motif. A défaut, il est réputé conclu pour une durée indéterminée.
Les CDD et autres contrats spéciaux reposent donc sur un écrit et doivent donc être établis dans des conditions de nature à garantir identité et fiabilité. Ces 2 derniers critères (garantie de l’identité et fiabilité) doivent donc être scrupuleusement respectés.
> Par quel biais garantir les identités et sécuriser la signature électronique ?
La solution réside dans le niveau de signature à déployer : simple ou avancée. La signature avancée n’apporte aucune plus-value juridique par rapport à la signature dite simple car sur le plan juridique, il n’existe strictement aucune différence entre les deux signatures.
Les signatures électroniques que l’on pourrait qualifier de sécurisées se basent sur l’utilisation d’un SMS OTP (SMS avec un mot de passe à usage unique ) et/ou ajout d’un code d’identification. Certains prestataires ont ajouté une vérification d’identité (vérification de carte d’identité ou de passeport) en ligne en précisant que la signature devient alors une signature électronique avancée. Rien dans la loi, ni dans le Règlement eIdas, ni même dans la jurisprudence ne confirme cette conception. La signature électronique avec OTP SMS semble donc à ce stade une solution tout à fait satisfaisante.
Il est toujours possible de compléter le dispositif de dématérialisation par une convention de preuve conclue avec les candidats ou les salariés. Il s’agit ni plus ni moins de la possibilité pour les parties de s’entendre sur le mode de preuve qu’elles souhaitent retenir en cas de contentieux. Cette convention est parfaitement licite et repose sur l’article 1356 du code civil. Cette convention de preuve s’impose au juge.
> En conclusion
S’il n’existe pas à ce jour de décision de justice reconnaissant formellement le droit à la dématérialisation du contrat de travail, rien ne s’oppose juridiquement à ce qu’un contrat de travail soit établi et conservé sous forme électronique. Il est prudent pour les employeurs, en plus de déployer une solution technique fiable, d’adopter une convention de preuve avec ses salariés.